Se faire tatouer quelques fleurs sur le côté gauche du visage avait été le début de sa rébellion. Daniela avait préféré ne pas se soumettre à l'autorité paternelle et avait fui pendant de longues années ses responsabilités. Dans un coin miteux de la ville, elle avait choisi d'immortaliser ses années par un tatouage à l'encre rouge et en avait fait son symbole. La Huitième n'avait pas regretté son choix et ses amis, ne comprenant pas réellement pourquoi se faire tatouer des fleurs étaient un geste grave, ne l'avaient ni soutenu ni retenu. Ils avaient regardé la seule femme - femme était un grand mot Daniela n'avait que treize ans - du groupe faire et l'après-midi s'acheva sur le visage d'une Daniela heureuse. Ils n'avaient pas besoin de plus pour être comblés.
La Vongola rentrait assez peu chez elle, dans ce grand manoir triste et où les domestiques surveillaient ses gestes en permanences. Parfois, les hommes de son père la forçaient à rentrer, lui disant qu'elle avait suffisamment traîné dans les rues. Lorsque le Septième découvrit le visage de sa fille tatoué, il la fixa un instant avant de baisser les yeux sur sa paperasse. Il ne lui en parla jamais, mais Daniela avait compris. Il était déçu de son comportement, en réponse, sa fille repartit à l'aventure avec la bande de voyous toute une semaine.
Atos avait été le premier à lui jurer fidélité, lorsqu'elle se fit tatouer, il décida de se raser la tête définitivement. Le peu de cheveux bruns sur sa tête tombèrent et sa grande taille ainsi que sa forte carrure lui donnaient un air d'ours mal léché, mais Daniela avait ri en le découvrant, il avait rougi et s'était frotté sa tête devenue chauve.
Luca avait été le deuxième à lui promettre de la suivre jusqu'au bout, trois ans avant cet événement en écoutant la brune leur parler de son rêve. Elle voulait danser, elle avait toujours rêvé de danser. Elle avait appris, comme beaucoup de filles de son âge, mais son père, en découvrant cette passion et ce rêve, avait préféré lui retirer ses cours. Cela faisait deux ans qu'elle ne pratiquait plus avec un professeur. Et sous leurs yeux, elle avait effectué quelques pas de danse. Elle était si belle, si fragile, si douce dans ses gestes. Daniela aimait danser plus que tout, ses problèmes et ses peurs s'envolaient et n'étaient plus qu'un vague souvenir. Et Luca avait été attendri, il avait vu cette fille, celle qui n'était pas une Vongola, mais elle. La Danseuse. Il l'avait rejoint, alors que les autres les sifflaient et de sa petite taille, il entraîna l'héritière du Septième dans une valse. Les cheveux turquoise au vent et les grands yeux gris rieurs étaient rivés sur Daniela et brillaient de cette lueur particulière. Il le lui avait chuchoté et elle avait souri, avant de lever les yeux au ciel. Il était bon d'avoir de vrais amis.
Les temps étaient durs, le Septième laissa très peu Daniela sortir pendant quelques semaines. Il l'obligeait à rester au manoir, mais elle comprenait, elle savait pourquoi son père s'inquiétait et elle ne lui en voulait pas. Il ne le lui disait pas, mais sa fille n'était pas idiote. Heureusement pour elle, Fabio autorisa après deux semaines d'enfermement que les voyous entrent après un entretien avec les Gardiens. Bien sur, elle n'était pas laissée seule avec mais le Septième vit sa fille sourire à nouveau et cela lui suffit. Il n'était pas un mauvais père, trop souvent absent et n'écoutant pas sa chère fille, mais il l'aimait. Et Daniela le savait pertinemment.
Biagio avait été le troisième. Une après-midi, alors qu'ils étaient tous réunis au manoir, trois jours après cette autorisation, Daniela leur avait proposé une visite. Les Gardiens du Septième présents pour surveiller la Dame avait refusé mais il en fallait bien plus pour empêcher Daniela Vongola. Elle les sema dans le grand jardin, se cachant derrière des buissons et utilisa son statut de fille d'un puissant chef mafieux pour obliger les jardiniers et tout autre personne croisant leur chemin à ne faire comme si rien n'était passé entre les massifs de fleurs et l'arbre fruitier qui montait jusqu'à la fenêtre de sa chambre. Il prit note de ce côté de la personnalité de leur amie et s'amusa comme un petit fou. L'albinos, un monstre pour certain, avait adoré cette après-midi où ils avaient passés leurs temps à s'échapper des griffes des Gardiens, usant de stratagèmes des plus douteux pour fuir. Ils avaient finis dans une étrange salle où était rangée de grands coffres. Il passa une main dans sa longue chevelure et sourit à Daniela qui comprit le message. Biagio lui baisa la main, lorsque les autres eurent le dos tournés et d'un clin d'œil, ils reprirent leur course effrénée dans le manoir. Leur balade se finit sur une punition du Septième qui les empêcha de revenir une semaine entière.
Romero ne se souvenait plus comment ils avaient réussi à sortir du manoir, emmenant Daniela en balade - ils ne surent jamais que Fabio avait empêchés ses Gardiens de les poursuivre. Les yeux d'un bleu marine fixaient intensément un bouquet de roses blanches qui le faisait sourire doucement. Il s'approcha le plus discrètement de l'étal et réussit à voler ces quelques fleurs qu'il remit à la douce Vongola avec des gestes exagérés pour la faire rire. Il réussit très bien, jusqu'à ce que quelqu'un l'attrape par les cheveux pour l'envoyer valser à terre. Ce fut leur premier combat ensemble, très vite arrêté par le Gardien de la Foudre du Septième qui passait par pur hasard, mais Romero en garda une cicatrice sur la tempe ainsi que l'arme de son agresseur. Une lame que Daniela avait appelée katana. Il se promit de s'entraîner avec pour impressionner encore plus la fille du Septième, même s'il devait rester avec elle jusqu'à la fin de ses jours. Romero voulait que chaque jour, à partir d'aujourd'hui, Daniela Vongola rit de ses blagues et farces.
Elio, lui, avait mis très peu de temps à se moquer de Romero. Trois ans et demi plus tôt, il s'était fait tatoué aussi - une étoile sous l'œil droit - et pourtant, Daniela avait l'impression qu'Elio avait toujours regretté ce geste. Il était beau, élégant - bien qu'un peu efféminé - et très gentil avec eux, mais il semblait ailleurs. Distant. Comme s'il refusait de s'attacher à leur groupe. Le blond aux yeux bleus ne faisait rien pour se rapprocher, se moquant de ses camarades et de leur attitude envers la Vongola, mais après leur petit combat, ils avaient tous compris. Elio ne se mêlait pas directement à leur groupe, il restait en retrait, regardant et surveillant de loin leurs petits jeux et les défendait lorsque quelque chose n'allait pas. Daniela remercia l'homme en privé et ce dernier haussa les épaules. Le message avait été clair. Elio continuerait jusqu'au bout de prendre soin de sa famille.
Cesare avait été le dernier, il s'amusait à embêter la jeune fille - presque femme du haut de ses quatorze ans - et avait subitement arrêté lorsque Fabio tomba malade. Personne ne savait combien de temps le Boss allait tenir, mais l'héritière devait être prête à diriger la famille à tout moment. Petit à petit, elle s'éloigna d'eux, ne venant les voir que quelques heures par semaine puis presque plus. Cesare essayait de faire de son mieux pour aider Daniela qui se renfermait sur elle-même, consciente de ce destin qui l'attendait et qu'elle ne désirait absolument pas. Elle avait rangé définitivement sa tenue de danse, qu'elle emmenait parfois avec elle pour s'amuser jusqu'au bout de la nuit en leur compagnie, et ne portait plus que ces costumes qui la rendaient si terne. Daniela Vongola devait rattraper tout le retard accumulé à cause de ses escapades et leur groupe se sépara quelque temps. Cesare était parti à droite et à gauche, gagnant sa vie comme il le pouvait avant d'être appelé par Elio. Il ne savait pas comment le blond l'avait retrouvé, mais il savait que quelque chose n'allait pas. Effectivement. Fabio Vongola était mort après deux ans de combat contre une maladie qui lui avait rongé les poumons. Daniela avait besoin d'eux, elle avait besoin d'être soutenue. En arrivant au manoir, plus sinistre que jamais, Cesare comprit pourquoi Elio était venu le chercher. Toute la bande de voyous était présente, désormais habillé de vêtements plus coûteux et propres. Atos, Luca, Biagio, Romero et Elio étaient présents, le suivant du regard alors qu'il s'avançait vers leur amie qui fixait le grand jardin. Leur bataille commença en cet instant, ce moment où il obligea la Huitième à se tourner vers lui, posant un genou à terre et la regardant droit dans ses yeux mordorés brillant de larmes contenues. Il lui jura haut et fort fidélité et lui promit son soutien jusqu'à la fin, il ne laisserait rien atteindre Daniela Vongola. Et elle s'effondra dans ses puissants bras.
À seize ans, les conseillers de Fabio Vongola ne voulaient pas la laisser monter au pouvoir. Les Gardiens avaient été presque chassés du manoir malgré leurs services et les conseillers s'étaient installés comme s'ils étaient chez eux. La bataille dura deux longues et douloureuses années où Daniela Vongola monta son propre réseau, aidé par ceux qui étaient désormais ses Gardiens. Elio avait été le premier à se rendre utile grâce à ses connaissances et à son espionnage. Biagio l'aida dans sa tâche et petit à petit, l'empire de la Huitième se monta. Rien ne fut facile à gérer, après la mort de son père la brune devait s'assurer que tout fonctionnait dans le manoir comme il fallait. Mais il fallait aussi que tout marche à l'extérieur. Ces deux années furent celles où les Gardiens se perfectionnèrent le plus dans leur style de combat respectif, essuyant tentatives d'assassinat sur tentatives. Ils n'étaient jamais bien loin d'y arriver, mais sous-estimés toujours trop leur cible. Daniela avait reçu un rigoureux entrainement de la part de son père et avait très vite appris à manier sa propre arme, une arbalète. La flamme du Ciel brillait parfois sur son front et son arme, rappelant à tous qui étaient ses ancêtres et combien la puissance de l'héritage Vongola était puissante.
Après ces deux années éprouvantes pour la famille, Daniela réussit à accéder au titre de Boss, comme son défunt père le lui avait demandé avant de succomber. Ce fut le début de la fin pour la Huitième.